Le véhicule connecté, porteur d'enjeux autour des données

Rédigé par Régis Chatellier

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07 juin 2016


Depuis plusieurs années, les constructeurs automobiles ont ajouté de l’intelligence, des capteurs et de la puissance de calcul à leurs véhicules, toujours plus connectés et peut-être bientôt autonomes.

Un véhicule moderne est bardé d’électronique embarquée, que ce soit pour des raisons de sécurité, de confort, de services, de maintenance mais aussi de plus en plus pour la fourniture de nouveaux services. Le rapport Saunier sur « l’évolution du secteur de la micro-nanoélectronique » prédisait dès 2008, qu'alors qu’en 2000, l'électronique ne représentait en moyenne que 22 % du prix d’un véhicule, elle devait s’élever à 40 % en 2015. Les capteurs collectent une grande variété de données, pouvant aller d‘informations liées au moteur jusqu’au comptage du nombre d’ouvertures et de  fermetures de portes. Cette tendance ne fera que s’accroitre : les véhicules électriques produisent et consomment énormément de données par exemple dans le but d’affiner la prévision d’autonomie de la batterie. A terme, le véhicule autonome aura besoin de capter, analyser, comprendre son environnement en permanence, devenant pour cela une véritable centrale de traitement de données.

Longtemps confinées à l’intérieur de l'habitacle, les données du véhicule se sont en quelques années connectées à des éléments extérieurs, par des systèmes embarqués maîtrisés par les constructeurs, par des systèmes ajoutés (par exemple des GPS), ou encore par le truchement du smartphone (et d'applications mobiles liés à la conduite). Selon l’IDATE , le marché du véhicule connecté devrait atteindre 8 milliards d’euros en 2018. Le cabinet étasunien IHS automotive estime à 600 000 le nombre de vente de véhicules autonomes d'ici à 2025, et surtout 21 millions en 2035 (dont 4 millions en Europe).

Quel contrôle par le conducteur ?

Les constructeurs ne sont évidemment plus seuls maîtres à bord de cet écosystème. Une large part de ces données doit être considérée comme des données personnelles, dès lors qu'elles permettent l'identification directe ou indirecte du conducteur, et sont soumises au respect de la loi Informatique et Libertés. On voit aujourd'hui apparaître des initiatives pour rendre la maîtrise de leur données aux conducteurs (comparables aux projets de Self  Data, dont MesInfos de la Fing). La Fédération internationale de l'automobile a lancé la campagne MyCarMyData, dont l'objectif est que chacun puisse décider quand et avec qui leur véhicule partage des données, que le partage ne soit pas imposé, hormis pour des obligations légales. L'objectif de la FIA est de donner à chacun la liberté de choisir les services auxquels sont reliés le véhicule, tout au long de son cycle de vie.

Au Etats-Unis, des initiatives d’ « autorégulation » voient le jour. Les constructeurs automobiles ont ainsi adopté une déclaration de grands principes qui entend donner des gages aux possesseurs de voitures concernant le sort réservé à leurs données. Un rapport  du sénateur Edward J. Markey, publié en février 2015, questionne l’efficacité de cette protection, notamment eu égard au risque de prise de contrôle à distance du véhicule et au manque de garanties solides apportées à l’utilisateur concernant ses données.

Vers un pack de conformité

En France, la CNIL a été à l’initiative dès 2015 d’une rencontre entre les différentes parties prenantes du véhicule connecté. Organisé en partenariat avec les animateurs du plan « Big data / économie des données » du programme « Nouvelle France Industrielle », ce rassemblement fût l’occasion d’explorer ce territoire avec un échantillon large  de ses parties-prenantes, (constructeurs automobiles, opérateurs de transport, assureurs, start-ups du véhicule connecté, des mobilités ou de la ville intelligente, représentants des pouvoirs publics et porteurs de projet dans le domaine de la mobilité). L’objectif était de faire émerger les grandes questions posées par le développement du véhicule connecté et de lancer la discussion, en identifiant notamment les nouveaux usages, les nouvelles données mobilisées et les enjeux émergents les plus sensibles. Cette journée a avant tout montré la complexité des enjeux : multiplicité d’acteurs, des enjeux techniques, juridiques et commerciaux, difficulté à définir le périmètre à la fois du véhicule intelligent et des nouvelles formes de mobilité. Ces échanges se poursuivent aujourd’hui dans les travaux du pack de conformité « véhicule connecté », lancé le 23 avril 2016, qui proposera des lignes directrices pour une utilisation responsables des données.

Le véhicule, déjà connecté, et peut-être demain autonome, concentre une série d'enjeux autour de la protection des données personnelles et des libertés que nous nous proposons de passer en revue dans une série d'articles à paraître, depuis l'émergence du véhicule plateforme à la robotisation de la mobilité.

 


 


Article rédigé par Régis Chatellier , Chargé des études prospectives