[Baromètre LINC 2019] - Participation en ligne et données personnelles, entre méconnaissance et vigilance

Rédigé par Martin Biéri

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05 décembre 2019


Alors qu’une petite majorité de Français a déjà utilisé une plateforme de participation en ligne, les citoyens restent méfiants dans l’utilisation de ces nouveaux outils politiques. Cela est également visible à travers la manière dont ils sont utilisés : avec précaution et une attention particulière aux effets sur la vie privée.

La CNIL a engagé en 2019 des travaux sur les civic tech, et les liens entre technologies et démocratie, donnant lieu à la publication d’un cahier IP le 9 décembre 2019 ainsi qu’à l’organisation d’un événement, dans le cadre de la mission éthique de la CNIL. Dans ce cadre, le baromètre 2019 sur les pratiques numériques a opéré un focus sur la question de la participation en ligne.

 

Participation en ligne : une adoption prudente par les internautes

Les pétitions ou les consultations en ligne semblent être de plus en plus présentes dans les usages, à l’instar de la plateforme du Grand débat national qui aura marqué l’année 2019 : un internaute français sur deux déclare avoir déjà participé à une consultation en ligne – dont 58% des 65 ans et plus. La participation s’établit à 40% pour la seule année 2019, montrant que le geste politique et citoyen sur ces plateformes dédiées entre tout doucement dans les pratiques. Plusieurs explications apparaissent à la lecture du baromètre, à commencer par la question de la connaissance et de la communication autour de ces usages politiques. 21% des non-participants expliquent ne pas le faire car ils ne sont pas au courant de tels processus en ligne et 19% les trouvent inutiles. Ce à quoi pourrait être ajouté la question de la maîtrise de la technologie, qui peut aussi être un frein : « Pour 14% de la population disposant d’un téléphone mobile, les problèmes pour passer un appel, envoyer ou recevoir des SMS sont récurrents dans le sens où ils surviennent « très souvent » ou « assez souvent » » (Arcep).

Celles et ceux qui déclarent avoir déjà pris part à une pétition ou une consultation en ligne sont 71% à se dire vigilants quant à la gestion de leurs données personnelles, dont 30% de « très vigilants ». Cette préoccupation se retrouve aussi chez ceux qui ne participent pas, dès les premières raisons évoquées : 21% citent la méfiance vis-à-vis de l’accès à leurs données comme une raison de ne pas participer ; pour 10%, c’est la peur de la diffusion d’opinions personnelles qui stoppe la participation. 

 

Données personnelles et citoyenneté : un rapport différent à la chose politique ?

Suivant ce qui fut l’une des grandes promesses d’Internet, « On the Internet, nobody knows you’re a dog » (« Sur Internet, personne ne sait que vous êtes un chien »), notre baromètre montre que de manière générale, près d’un internaute sur deux indique donner régulièrement de fausses informations lorsqu’ils remplissent un formulaire en ligne (45%, un chiffre plutôt constant depuis 2015). Les raisons évoquées font état de deux grandes tendances : d’abord ne pas être importuné (par exemple pour du démarchage commercial), ensuite parce que l’internaute n’a pas une visibilité claire sur l’utilisation des données qu’il fournit. 

Cependant, s’agissant de consultations à portée politique, qui sont souvent portées par des acteurs institutionnels, 87% des participants utilisent des informations réelles et personnelles (et seulement 13% utilisent des informations factices ou participent de manière anonyme). Ce qui semble montrer une certaine spécificité lorsqu’il s’agit d’effectuer un acte politique et/ou citoyen. Si l’on ne peut pas comparer directement les deux indicateurs (l’utilisation régulière d’un pseudonyme d’un côté et l’utilisation de ses données personnelles dans un cadre de consultation), le chiffre de 87% interroge le rapport des internautes français au geste citoyen en ligne : son cadre semble perçu comme rassurant, qu’il s’agisse d’une pétition en ligne sur un site connu (comme Change.org) ou bien d’une consultation portée par une institution.

 

Autour de l’authentification : quand l’actualité interroge notre rapport aux réseaux sociaux

L’enquête Médiamétrie indique également un point intéressant dans ce rapport à l’authentification des internautes : trois quarts des Français (77%) ont déclaré avoir déjà refusé de s’inscrire sur une plateforme ou sur une application via un compte de leur réseau social afin de ne pas créer de liens entre les services, ce qui est également une constance depuis 2015 (75%). Impossible de ne pas faire mettre en rapport ce chiffre avec la récente exposition de données personnelles de millions d’utilisateurs de Twitter et Facebook à cause de l’utilisation d’un SDK malveillant (pour software development kit ou kit de développement logiciel, voir notre article Le SDK comme illustration de la standardisation du numérique pour plus d’informations). En effet, à travers les boutons d’identification Twitter et Facebook, certaines applications pouvaient ensuite avoir accès à « bien plus de données que ce à quoi l’utilisateur avait consenti ».

Derrière la facilité d’inscription réside une certaine opacité concernant le fonctionnement et la destination réelle des données personnelles. Ce qui prend une dimension encore plus importante lorsque l’on parle de données à caractère politique (opinions, vote, etc.), au regard des conséquences qu’une fuite de données pourraient impliquer, à différentes échelles. La divulgation d’opinions politiques, émises dans un cadre privé ou secret, peut avoir des conséquences directes sur la vie d’un individu, autant dans sa vie privée que professionnelle.

 

Les plus jeunes plus attentifs à leur vie privée sur les réseaux sociaux

 

Le rapport entre réseaux sociaux et confidentialité est assez fort : 78% des internautes interrogés règlent au moins un paramètre. Pour autant, cela n’est pas uniforme : selon les plateformes, le niveau de réglage varie, les réseaux sociaux les plus « jeunes » (Instagram, Snapchat, Whatsapp) sont également ceux qui sont le plus paramétrés, et ceux sur lesquels les utilisateurs sont les plus vigilants. Au contraire, Facebook est la plateforme la moins paramétrée, mais aussi celle qui est la plus utilisée par les plus âgés. Ainsi le rapport aux réseaux sociaux évolue : la question de la visibilité de ses informations privées est une constante. Le paramétrage de ces réseaux est de plus en plus un réflexe, notamment chez les plus jeunes, à commencer par le choix de qui peut voir ou non mes contenus (qui varie entre 54 et 63%) et le blocage de la localisation géographique (de 50 à 61%) sur les réseaux non professionnels. De là à en déduire que les plus jeunes sont plus attentifs aux bonnes pratiques poussées par la CNIL, il n’y a qu’un pas : Snapchat : 5 paramètres à régler pour maîtriser ses données.

Document reference

Baromètre générique sur les pratiques numériques et la maîtrise des données personnelles

 

Barometre 2019
Barometre 2019, par user_multisite


Illustration - Getty Images


Article rédigé par Martin Biéri , Chargé d'études prospectives