Pratiques numériques et vie privée en 2016 : des internautes pragmatiques

Rédigé par Olivier Desbiey

 - 

29 septembre 2016


Le baromètre Médiamétrie-CNIL 2016 montre comment les internautes français contrôlent la diffusion et l’accès à leurs données. S’ils recourent aisément aux paramétrages de leurs services numériques (navigateur, smartphone, réseaux sociaux), leur engagement reste plus modéré en ce qui concerne l’usage d’outils dédiés à la protection des données.

En mai dernier, nous publiions les résultats de la première vague du baromètre réalisé avec Médiamétrie sur les pratiques numériques des français relatives à leur vie privée. La deuxième vague de cette étude confirme que les internautes français restent sensibles à l’usage de leurs données et plus largement aux contenus qu’ils partagent sur Internet.

2016, progression dans la maitrise et la stabilité des pratiques spécifiques de protection des données

 

Les résultats 2016 soulignent que les internautes utilisent davantage les outils de paramétrage de leur navigateur :

  • 83% ont déjà réglé au moins un paramètre de leur navigateur (+ 6 points par rapport à 2015)
  • 75% en vue de  supprimer des traces (68% en 2015)
  • pour 62% des internautes c’est en premier lieu l’historique de navigation qui a déjà été effacé (contre 56% en 2015).

En moyenne, sur les quatre principaux navigateurs testés ce sont les utilisateurs de Safari et de Firefox qui sont les plus soucieux des réglages des paramètres de confidentialité. Les utilisateurs d’Internet Explorer étant ceux qui y recourent le moins (slides 15 et 16 de l’étude).

Les usages relatifs au paramétrage sur smartphone restent relativement stables par rapport à la vague précédente : 63% ont déjà réglé au moins un paramètre de confidentialité (60% en 2015) aussi bien sur Android (61%) que sur iOS (73%). La géolocalisation est toujours source de préoccupation ;  ils sont désormais 55% (+ 5 points) à l’avoir déjà coupée pour des questions de confidentialité ou à bloquer son accès à des applications. 63% des utilisateurs ont déjà renoncé à installer une application en raison des informations auxquelles elle souhaitait accéder. Parmi les raisons motivant ce renoncement, l’accès à localisation (56%) arrive une nouvelle fois dans le trio de tête des données qui inquiètent le plus, derrière la liste de contacts (57%), et devant l’accès à des messages (51%) ou l’accès à des photos ou vidéos (50%).

Si les pratiques concernant les paramétrages des équipements et des comptes sont en progression, on observe peu d’évolution portant sur les solutions spécifiques mises en place par les internautes pour protéger leurs données. Les chiffres relatifs à l’usage d’un compte mail dédié (51%), de pseudonymes (83%), d’un gestionnaire de mots de passe (13%) ou ceux relatifs à des stratégies consistant à indiquer de fausses informations (44%) ou à entreprendre une démarche de retrait d’une information sur Internet (18%) sont particulièrement stables.

Les internautes français connaissent et utilisent les paramètres leur permettant de régler l’exposition de leurs données en particulier lorsque ceux-ci sont intégrés aux outils qu’ils utilisent. Leur niveau d’engagement reste en revanche plus modéré lorsqu’il s’agit de recourir à des dispositifs spécifiques permettant de protéger leurs informations personnelles.

 

Les adblockers toujours en hausse

Alors que leur usage était confidentiel il y a encore quelques années, le recours à des systèmes permettant de filtrer l’affichage des publicités continue de progresser de manière assez significative puisque 49% des internautes ont déjà utilisé un adblocker en 2016 (contre 36% en 2015). Leur utilisation devient même majoritaire chez les plus jeunes avec 60% chez les 15-34 ans, et un pic à 64% pour les 25-34 ans.

Autre signe de leur pénétration, les appareils mobiles sont aussi concernés avec 16% des utilisateurs sur tablette et 12% sur smartphone. La motivation principale reste très majoritairement la recherche d’un meilleur de confort de navigation (91%), mais un utilisateur sur deux cherche tout de même à protéger ses informations personnelles.

Vidéo en direct et images éphémères

En 2012, nous avions réalisé une étude sur la place des photos et des vidéos dans la vie numérique des français qui soulignait l’ambivalence du comportement des internautes sur les pratiques de tag de personnes dans les photos. À  cette époque, Instagram était peu utilisé et Snapchat n’existait pas….

Snapchat, dont le succès initial reposait sur la promesse de pouvoir y partager des contenus de manière éphémère, continue de séduire des utilisateurs pour cette raison ;  60% d’entre eux y voient en effet un espace où on laisse moins de traces et où l’on maitrise ses contenus. Ce sont toutefois les fonctionnalités ludiques de l’application qui constituent la raison principale de son utilisation pour les trois quarts des utilisateurs.

L’utilisation de services de vidéo en direct (Facebook Live, Periscope, Meerkat)  reste encore relativement confidentiel puisque seuls 4% des internautes ont déjà diffusé une vidéo en live, bien que 16% en aient déjà regardées. Parmi les personnes qui diffusent des vidéos en direct, un peu plus de la moitié ont réglé leurs paramètres en vue de limiter l’accès aux vidéos et 78% déclarent avertir les personnes qu’elles filment. Ce chiffre est assez proche de celui de l’étude de 2012 où 74% des internautes déclaraient demander l’avis des personnes photographiées avant de publier leur photo sur les réseaux sociaux.

De manière générale, les utilisateurs ont tendance à privilégier ce qui est simple (réglages des paramètres) par rapport à ce qui serait plus efficace mais aussi plus fastidieux (installation d’outils complémentaires). Ce recours croissant aux outils de paramétrage proposés par les services numériques pose de manière plus aigue encore la question de leur réelle efficacité. Dans la continuité des travaux du chercheur Alessandro Acquisti, il ne faudrait pas que la multiplicité des configurations possibles qu'offrent les outils de paramétrage conduise in fine à ce que les utilisateurs partagent plus de données qu'ils ne le désireraient en leur conférant une forme d'illusion de contrôle.

Document reference

Etude 2016 sur les pratiques numériques et la maîtrise des données personnelles

Enquête Médiamétrie pour la CNIL, par administration d’un questionnaire sur Internet auprès de 2068 internautes de 15 ans et plus. (septembre 2016)


Illustration principale : flickr_cc-by Maurizio Neri // icônes Noun Project


Article rédigé par Olivier Desbiey , Chargé des études prospectives