Quelques grands principes de la communication claire

09 novembre 2021

S’il est difficile de dégager une méthodologie de la communication claire, différents conseils peuvent être utilisés, et appliqués, issus du langage clair ou encore du Legal design. L’objectif premier de l’utilisateur devra être d’assurer une meilleure compréhension du droit, et en particulier de la protection des données pour le cas qui nous intéresse.

Quelques grands principes du langage clair ayant fait leur preuve

Il existe de nombreux conseils sur la façon de rédiger un texte en langage clair, dont on évoquera certains grands principes. J. KIMBLE a pu établir une liste de lignes directrices qui peuvent être utilisées par tous types de rédacteurs, qu’ils soient juristes ou non [1]. Nous vous proposons à ce titre une traduction libre et non exhaustive des propos de cet auteur, de l’anglais au français. Néanmoins, il faut préciser à titre liminaire que certaines particularités de la langue anglaise sont difficiles à traduire, s’agissant par exemple du fait d’utiliser « vous » pour s’adresser à un lecteur dans un document public. En effet, l’auteur utilise « you » dans sa liste, ce qui pourrait se traduire en français aussi bien par du tutoiement, que du vouvoiement. Cette question du recours au tutoiement ou du vouvoiement peut paraître simple de prime abord, mais révèle des vraies problématiques communicationnelles. Par exemple, une étude de cas menée par le LINC a permis de relever que les adolescents préféraient que l’on s’adresse à eux en les tutoyant plutôt qu’en les vouvoyant. La réflexion quant au destinataire du message revient par conséquent de manière centrale dans toute démarche de clarification.  

Ces précisions étant faites, il est intéressant de noter la richesse des conseils rédactionnels de J. KIMBLE. Ce dernier recommande notamment aux émetteurs d’un message de :

  • faire attention à la mise en page du document (police de caractère, longueur des lignes, des espaces, etc.) ;
  • utiliser des sections courtes ou subdiviser les plus longues ;
  • regrouper les idées liées et les ordonner dans un ordre logique ;
  • rédiger un résumé au début des documents (pour les mémos et les avis judiciaires), un énoncé de l’objectif (pour la législation), ou une table des matières (pour les manuels ou les longs contrats) ;
  • ne pas hésiter à utiliser des exemples, des tableaux et des graphiques pour illustrer le propos ;
  • éliminer les mots et les détails inutiles ;
  • couper les phrases longues ;
  • ne pas mettre trop d’informations avant ou entre le sujet principal, le verbe et l’objet ;
  • privilégier la forme active ;
  • essayer de s’adresser au lecteur en l’appelant « vous » (« you ») dans les documents publics ;
  • utiliser des mots familiers, simples et directs.

Par conséquent, si l’on veut être facilement compris, il faut éviter de recourir à un langage désuet (utilisation de mots inutilement complexes comme « subséquemment », expressions latines, etc.). Que l’on s’adresse à un public expert comme néophyte, la clarté du message devrait primer, bien que la façon d’écrire ou de s’exprimer soit différente en fonction du destinataire du message [3]. Il pourrait être aussi utile de faire tester la clarté de son message auprès d’un panel spécifique, ou encore de recueillir des retours « terrains » afin de s’assurer de la compréhensibilité de son message.

Par exemple, Florence COLS, juriste chez Droits Quotidiens Legal design, a présenté dans un article de la revue de l’ANAD, un projet concret d’application du langage clair au droit pénal. Ce projet avait pour objectif la réécriture de la déclaration des droits belges remise aux personnes en état d’arrestation. Il est intéressant d’observer que les acteurs de l’aide juridique ont été régulièrement consultés et que les experts ayant procédé à la réécriture de la charte ont bénéficié d’une formation afin de leur apprendre à rédiger clairement. Cet exemple permet d’ajouter aux éléments déjà cités favorisant le langage clair, la nécessaire formation des juristes et professionnels du droit. Il permet également de révéler les liens forts existants entre le Legal design et le langage clair.

 

Quelques grands principes du Legal design en construction

Le Legal design, contrairement au langage clair, est une discipline émergente qui connaît peu de doctrine et de littérature sur le sujet. Cependant, de nombreuses initiatives se sont développées ces dernières années, permettant d’en dégager des particularismes. Il est par exemple possible d’observer que l’une des spécificités du Legal design est de remettre « le destinataire final de l’information » au centre du processus [3]. F. CREUX-THOMAS indique à cet égard que le Legal design peut revêtir plusieurs formes, dont « le langage juridique clair », « l’ergonomie du document », « l’infographie et la data visualisation », « le motion design ou la vidéo », « le podcast », « la bande dessinée » [4].

Dans le domaine de la protection des données, cette méthodologie, y compris le langage clair, peut être utile. La matière peut s’avérer difficile d’accès aussi bien pour les personnes concernées, que pour les responsables de traitement. Or, ces derniers ont certaines obligations, dont celles d’informer de manière claire et complète les personnes concernées du traitement mis en œuvre, ou encore des droits dont elles disposent. La Commission propose à cet égard à l’attention des responsables de traitement certains contenus utilisant les grands principes de la communication claire, afin de les aider à informer les personnes concernées, ou encore à répondre aux différentes demandes reçues au titre du Règlement général sur la protection des données (RGPD) [5].

Par exemple, la Commission a pu réaliser une fiche à l’attention des responsables de traitement, afin de les aider à répondre à des demandes de droit d’accès, accompagnée d’une iconographie synthétique. Afin de réaliser cette fiche, il a fallu :

  • effectuer en amont une analyse textuelle des articles 12 et 15 du RGPD pour déterminer les obligations clés du responsable de traitement, les éventuelles redondances dans le texte, et les principes phares à dégager. Cette analyse a nécessité d’intégrer le message véhiculé par le RGPD afin de le reformuler (car comment expliquer clairement quelque chose que l’on ne comprend pas ?), en ayant recours au langage clair ;
  • se mettre dans la position du responsable de traitement, et s’interroger, dans une démarche d’empathie, sur les éléments dont ce dernier avait besoin pour répondre à une demande de droit d’accès ;
  • travailler aussi bien avec des juristes que des non-juristes, pour avoir une vision globale du sujet, et s’assurer de la clarté de la fiche.

Cet exemple d’utilisation des méthodologies de communication claire n’est pas isolé. Dans la même idée, le LINC a pu initier la mission « Données & Design », afin de présenter les concepts-clés du RGPD de manière claire, et mettre à disposition du public des outils de cocréation (kits d’animation d’atelier, méthodologie de conception d’interfaces, etc.).

Les méthodologies issues de la communication claire ne sont pas sans rappeler les règles utilisées par les journalistes lorsqu’ils communiquent l’information. La particularité de ces méthodologies est qu’elles peuvent s’améliorer au contact des publics visés par les messages. C’est la volonté de rendre le message plus clair qui doit guider celle ou celui qui voudra clarifier ses propos, écrits comme oraux.


[1] J. KIMBLE, “Writing for Dollars, Writing to Please”, The Sribes Journal of Legal Writing, n° 6, 1996-1997, pp. 5-6.

[2] S. C. MOTZFELDT, “Standards that could be applied across languages – suggestions”, The Clarity Journal, n° 79, 2018, p. 21.

[3] F. CREUX-THOMAS, « Le legal design : gadget ou opportunités pour les avocats ? », La Semaine Juridique Edition générale, n° 51, 16 décembre 2019, p. 2287.

[4] Ibidem.

[5] S’agissant du droit d’accès, de rectification, du droit à l’effacement, à la limitation du traitement, du droit à la portabilité des données, ou encore du droit d’opposition. Cf. articles 12 à 22 du RGPD.