Baromètre du numérique 2021 – Les chiffres des usages numériques en France
Rédigé par Antoine Courmont
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29 July 2021L’enquête annuelle du Baromètre du numérique analyse les pratiques numériques des Français. Comment ont-elles évolué avec la crise sanitaire ? Où en sont les Français dans leur maîtrise des données personnelles et la protection de leur vie privée ?
L’édition 2021 du Baromètre du numérique a été publiée le 1er juillet. Réalisée depuis 2000 par le CREDOC pour l’Arcep, le CGE et l’ANCT, cette étude annuelle vise à mesurer l’adoption par les Français des équipements et d’étudier les pratiques numériques, à partir d’une enquête statistique auprès d’un échantillon représentatif de la population française âgée de 12 ans et plus (4029 personnes interrogées en ligne et par téléphone). Si le baromètre ne contient pas de questions spécifiques sur la protection des données personnelles, plusieurs résultats témoignent de l’évolution des représentations et des pratiques sur l’articulation entre numérique et vie privée. Présentation des principaux résultats.
Des équipements et des usages numériques dopés par la crise du covid-19
L’épidémie du covid-19, et en particulier les périodes de confinement et de restrictions de sorties, a conduit à une hausse des équipements et des pratiques numériques. En 2020, plus de huit personnes sur dix sont équipées d’un smartphone (+7 points depuis 2019), 61% d’un ordinateur (-15 points), 56% d’une tablette (+14 points), 23% d’un objet connecté en lien avec la santé (+12 points), 20% d’une enceinte connectée (+11 points), 17% d’électroménager connecté (+11 points) et 15% d’un objet connecté en lien avec la sécurité (+9 points). Ces moyennes nationales cachent des taux d’équipement contrastés selon les catégories sociales. Si 94% des cadres et des professions intellectuelles supérieures possèdent un smartphone, seuls 55% des non-diplômés et 59% des 70 ans et plus en détiennent un. 76% des diplômés du supérieurs ont un ordinateur contre 28% des non-diplômés.
Concernant l’évolution des usages, 92% de la population française est internaute et 83% se connecte tous les jours. 76% a effectué au moins un achat en ligne au cours des douze derniers mois (+14 points), 67% participé à des réseaux sociaux (+7 points) et 44% vendu des biens ou des services sur internet (+15 points). A noter, que près d’un acheteur sur deux se fait livrer au moins une fois tous les mois. Durant les périodes de confinement, un tiers des adultes a télétravaillé, 30% a suivi la scolarité des enfants ou les ont aidés à suivre les cours en ligne, et un quart a réalisé une téléconsultation médicale. [Voir aussi à ce propos notre série d’articles A distance]
Par ailleurs, 76% des Français de 18 ans et plus ont accompli une démarche administrative en ligne au cours des douze derniers mois. Si les écarts se résorbent progressivement, les groupes les plus diplômés et favorisés les réalisent plus aisément (79% des hauts revenus, 82% des cadres, 86% des diplômés du supérieur). En outre, l’écart entre les habitants de la région capitale (22%) et ceux des zones rurales (34%) qui n’ont pas recouru à l’e-administration s’accroît. Ainsi, plus on habite dans une grande agglomération, plus on accomplit des démarches administratives sur internet. A l’inverse, l’éloignement géographique des centres urbains renforce l’éloignement aux services numériques. Ce point tempère l’argument selon lequel les services numériques seraient particulièrement utiles pour les personnes éloignées géographiquement en permettant de pallier un moindre accès aux services publics ou aux commerces.
Un effet de cet usage accru du numérique est que la familiarité et la maîtrise de l’usage d’un ordinateur ou d’un smartphone augmentent. 82% des Français s’estiment compétents pour utiliser un ordinateur, 80% un smartphone et 72% pour réaliser des démarches administratives en ligne. Sans surprise, plus la personne est diplômée, plus elle se considère compétente, même si ce sentiment progresse dans tous les groupes. De manière générale, la fréquence d’utilisation est un facteur crucial du sentiment de compétence.
Les défis de l’inclusion dans une société numérisée
Cette croissance des équipements et des usages numériques est toutefois loin d’avoir mis fin à l’exclusion numérique. 9% des personnes ne disposent ainsi d’aucun point d’entrée vers internet à leur domicile, 8% n’ont aucune adresse email. Comme cela est analysé dans le rapport : « L’augmentation de l’équipement s’est opérée chez les personnes qui étaient déjà pourvues de solution, et n’a pas résorbé le manque d’équipement de certains, alors même que de nombreux services, activités, liens administratifs ne pouvaient plus se réaliser en « présentiel » ». Ce constat semble confirmer la persistance d’une déconnexion d’une partie de la population, qui appelle le maintien de solutions non numériques pour certains services essentiels, comme la CNIL a l’habitude de le demander.
En outre, même lorsque l’on est équipé, la maîtrise complète des outils pose problème. 35% des Français éprouvent au moins une forme de difficultés qui les empêche d’utiliser pleinement les outils numériques et internet. Les situations d’illettrisme peuvent également influer sur la capacité d’utiliser pleinement les outils numériques : « une personne sur cinq présente au moins une gêne dans la maîtrise de la lecture, de l’écriture ou du calcul : 11% indiquent avoir des difficultés de calcul, 11% des difficultés de lecture, tandis que 9% sont gênés par des difficultés d’écriture dans la vie de tous les jours, au travail ou ailleurs ».
Un mélange des sphères sociales bien vécu
A l’instar de notre enquête sur les pratiques numériques pendant le confinement, les résultats du baromètre du numérique témoignent que, si les technologies numériques ont rendu plus poreuses les frontières entre nos différentes sphères sociales, cet entrecroisement est plutôt bien vécu. 58% des actifs estiment ainsi que le numérique permet de mieux concilier vie privée et vie professionnelle, et, seuls 23% considèrent que l’usage des nouvelles technologiques pour des besoins professionnels en dehors des horaires et milieux de travail habituel empiète trop sur la vie privée.
Une gêne croissante liée à l’exposition de sa vie privée en ligne
L’exposition de sa vie privée en ligne est toutefois une préoccupation croissante comme nous l’analysions dans notre Cahier IP Scènes de la vie numérique. Plus d’un tiers des Français (34%) regrettent d’avoir partagé des éléments de leur vie privée sur internet et/ou se sentent gênés par la présence de certains éléments de leur vie privée sur internet. Cette sensibilité est particulièrement accrue chez les jeunes (59% des 18-24 ans ; 50% des 25-39 ans) et chez les étudiants (47%). A l’inverse, les adolescents perçoivent moins ce risque (27% des 12-17 ans).
A noter que les parents qui regrettent la présence en ligne d’informations de leur vie privée tendent à encadrer plus strictement les usages numériques de leurs enfants, notamment le temps passé sur Internet (70% contre 58% en moyenne pour l’ensemble des parents).
Des craintes liées au manque de protection des données personnelles et des pratiques de protection de sa vie privée
Si les craintes liées au manque de protection des données personnelles sur internet diminuent (26%, contre 40% en 2018), elles sont toutefois le premier frein cité à l’utilisation d’internet chez les internautes. Cette diminution est analysée dans le baromètre comme l’effet conjugué d’une impression de maîtrise plus grande des risques et d’un effet rassurant du RGPD, au travers des demandes systématiques d’autorisation sur la collecte des données personnelles sur les applications et sites internet.
Par ailleurs, les pratiques de précautions se développent. Près de 30% des usagers affirment avoir éteint leur téléphone mobile pour éviter d’être tracé ; 65% d’avoir renoncé à installer une application afin de protéger les données personnelles ; 66% d’avoir renoncé à un achat par manque de confiance au moment du paiement et 69% d’avoir refusé d’être géolocalisé en ouvrant une page internet ou une application. Une personne sur deux (48%) a déjà renoncé à publier ou a supprimé un message sur un réseau social pour protéger sa vie privée. Si les 18-24 ans (57%) et les cadres (54%) l’ont déjà fait plus souvent que la moyenne, ce taux s’élève à 76% de ceux qui ont déjà regretté d’avoir publié ou écrit des choses concernant leur vie privée sur internet, sur un forum de discussion, un chat ou un réseau social en ligne. Une mauvaise expérience préalable est ainsi un facteur déterminant dans la mise en œuvre de pratiques protectrices.
L’âge, le niveau de diplôme ou le niveau de revenus sont des variables déterminant le nombre de mesures de précaution prises. 30% des 70 ans et plus et 38% des non-diplômés n’en ont prises aucune (17% de l’ensemble des répondants), alors que 47% des cadres en ont adopté au moins six (35% des répondants).
Les résultats du Baromètre du numérique convergent avec les enquêtes statistiques réalisées par le LINC. Depuis plusieurs années, et en particulier depuis l’entrée en vigueur du RGPD, les Français sont davantage sensibilisés à la protection des données personnelles. Ils utilisent de façon croissante divers outils pour protéger leur vie privée et paramètrent davantage leurs services numériques pour maîtriser la diffusion de leurs données. Toutefois, ces chiffres masquent des différences de comportements selon les situations ou les catégories sociales. La protection des données est en effet une pratique éminemment sociale comme nous le mettons en avant dans notre dernier cahier IP.
Illustration : Audrius Juralevicius (CC-BY)